L’interprétation des rêves freudienne : une véritable révolution :

Pendant des millénaires, les rêves sont restés mal compris et obscurs, même si souvent on a pu leur attribuer une faculté un peu inquiétante de prédiction de l’avenir.

Il a fallu attendre Freud, le père de la psychanalyse, pour parvenir au tournant des 19° et 20° siècles à une approche beaucoup plus rationnelle et rigoureuse.

Dans L’interprétation des rêves (1900), le livre qu’il a longtemps considéré comme sa grande œuvre, Freud découvre que les rêves ne sont pas aléatoires, répondent à une logique particulière et peuvent être décryptés.

Ce travail de théorisation de Freud eu un retentissement immense et a très durablement marqué l’histoire de la psychologie et la façon dont l’être humain se percevait.

Les deux fonctions du rêve : accomplir un désir et protéger le sommeil :

L’idée principale de Freud est percutante et très novatrice : le rêve vise à la satisfaction d’un désir inconscient refoulé, généralement lié à des pulsions sexuelles.

Ces pulsions qui sont réprimées dans la vie éveillée mais qui parviennent à se manifester dans le sommeil, en profitant de la résistance affaiblie de l’appareil psychique.

Il dira ainsi que les rêves sont la « voie royale » d’accès à l’inconscient.

On oublie toutefois souvent la deuxième fonction du rêve découverte par Freud : celle de protéger le sommeil.

Nous pouvons alors formuler les choses ainsi : La fonction du rêve s’articule sur l’accomplissement déformé d’un désir inconscient refoulé.  

Mais l’utilité du gain de plaisir obtenu est de servir le désir de dormir.

Ainsi, le rêve tente de libérer le rêveur des restes pénibles de la vie éveillée en les transformant en accomplissement de désir.

Le psychisme cherche l’équilibre en supprimant la tension entre ses deux désirs, le désir de dormir et le désir de l’inconscient.

Le cauchemar contredit-il la théorie freudienne ?

La question des cauchemars reste toutefois ouverte.

Dans ce cas, le rêve semble représenter un échec puisqu’il ne parvient pas à transformer les pensées latentes à contenu pénible et qu’il échoue dans sa fonction de protection du sommeil, car généralement le dormeur se réveille.

Freud expliquera que si les rêves, pour la plupart, réalisent de façon déformée un désir refoulé, le cauchemar accomplit pour sa part de façon non déformée un désir refoulé.

C’est pourquoi il provoque l’angoisse, et ne contredit pas au final au principe de l’accomplissement du désir.

Le langage du rêve : contenu manifeste et contenu latent :

Freud distingue deux niveaux dans l’analyse des rêves : 1-le contenu manifeste et 2-le contenu latent.

1-Le contenu manifeste : Il correspond à ce dont le patient se souvient à son réveil : les images, les scènes, les personnages qu’il a vus pendant son rêve.

Ces éléments lui sont apparus d’une façon qu’il pourrait qualifier de « réel », mais il ne peut s’empêcher de les trouver bizarres, absurdes et de ne pas leur trouver de sens.

Il a pu par exemple rêver de voler, de tomber dans le vide, de voir des serpents au fond d’une caverne.

2-Le contenu latent : Il est, quant à lui, la véritable signification du rêve, cachée sous la surface du contenu manifeste. Freud a découvert que les éléments de certains rêves recèlent une signification symbolique liée à des désirs inconscients refoulés.

Le travail du psychanalyste tout au long de la cure est alors d’aider son patient à décrypter le « langage » du rêve pour en découvrir la véritable signification, souvent liée à des pulsions, des angoisses ou des conflits non résolus.

Freud explique que c’est un mécanisme de censure qui transforme le contenu latent inconscient, en contenu manifeste afin de le rendre moins choquant et plus « présentable ».

Les processus d’élaboration du rêve :

Freud identifie quatre processus par lesquels le contenu latent du rêve est transformé en contenu manifeste : 1-Condensation ; 2-Déplacement ; 3-Figuration ; 4-Elaboration secondaire.

1-La condensation : Freud a remarqué que le rêve manifeste présente sous une forme extrêmement réduite un nombre très important de pensées latentes. Ce processus combine ainsi en une seule image dans le rêve plusieurs idées, émotions ou souvenirs. Par exemple, un seul être dans un rêve peut représenter plusieurs personnes importantes pour le rêveur.

2-Le déplacement : Ce mécanisme intervient principalement au service de la censure.

Il consiste à déplacer l’accent d’un élément perçu comme menaçant à un élément plus insignifiant. Cette sorte de renversement des valeurs psychiques aboutit à la présence de personnages ou de faits indifférents, ne figurant dans le rêve que pour représenter des éléments importants auxquels ils sont liés. Un rêve de colère contre un supérieur pourrait, par exemple, se transformer en rêve de frustration vis-à-vis d’un inconnu.

3-Figuration (ou présentation des pensées en images) : Ce mécanisme consiste à faire un choix complexe parmi les matériaux élaborés par le rêve et à représenter par une image concrète une pensée abstraite.

4-Elaboration secondaire (ou « scénarisation ») : Nous voyions que le contenu manifeste d’un rêve est une sorte de mosaïque, constituée de fragments de provenances diverses. Il faut donc un « ciment » pour relier tout ceci. C’est la fonction dévolue à l’élaboration secondaire qui ordonne les fragments de discours en leur donnant une cohérence dans un ensemble.

L’interprétation des rêves, une voie toujours valide d’accès à l’inconscient :

Aujourd’hui, l’interprétation des rêves reste une pratique essentielle dans la clinique psychanalytique.

Les détracteurs de la psychanalyse ont cru que les travaux contemporains de la neuroscience allaient invalider la théorie freudienne des rêves, mais il n’en est rien à ce jour.

Par exemple, la fonction de protection du sommeil a été confirmée.

En séance, les rêves offrent un champ privilégié pour explorer l’inconscient du patient.

Notons qu’en psychanalyse, l’interprétation complète d’un rêve n’est pas toujours nécessaire, ni même utile.

Certains rêves ne présentent tout simplement pas un grand intérêt pour la cure et ils n’aident pas à dévoiler un pan de l’inconscient du patient.

Ce qui compte, ce n’est pas vraiment le souvenir le plus précis possible, ou « cinématographique » du rêve.

Mais la façon dont le patient se remémore son rêve au moment où il le raconte et les émotions et les affects qui émergent alors.

Le clinicien doit être attentif aux associations que l’évocation du rêve vont susciter chez son patient, les « portes » qui vont s’ouvrir sur ses souvenirs, ses émotions anciennes.

Il sera alors possible de mettre en lumière des dynamiques sous-jacentes et de relier les matériaux délivrés par le rêve du patient à ses préoccupations et à ses souffrances.

Le rêve anticipe sur la cure :

Le rêve ouvre ainsi des horizons thérapeutiques cruciaux.
Il représente même parfois une sorte de court-circuit.

En effet, les interprétations faites par le psychanalyste nécessitent beaucoup de temps pour produire ses effets au cours de la cure car elles ne sont pas toujours reconnues ou intégrées par le patient.

En revanche, les matériaux inconscients délivrés par les rêves anticipent souvent sur la cure et le patient admettra beaucoup plus facilement les interprétations qu’il a lui-même produites en séance.